COMMERCIAL (DROIT)

COMMERCIAL (DROIT)
COMMERCIAL (DROIT)

Le droit commercial est une branche du droit privé qui, par dérogation au droit civil, réglemente de manière spécifique certaines activités de production, de distribution et de services. Il englobe à la fois le commerce au sens courant du terme, c’est-à-dire les activités d’échange, et l’industrie, donc des activités de transformation. Le droit commercial ne régit cependant pas l’ensemble de la vie économique. Pour des raisons socio-historiques, les agriculteurs, les artisans et les membres de professions libérales demeurent soumis au droit civil, même si leur statut tend à se rapprocher de celui des commerçants. Si cette évolution continue, la distinction traditionnelle du droit civil et du droit commercial sera remplacée par celle du droit des activités économiques ou professionnelles, d’une part, et du droit des relations personnelles et de la consommation, d’autre part.

Le droit commercial a pour acteurs des personnes physiques, les commerçants, mais aussi des sociétés, notamment les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes. Ces deux catégories sont parfois désignées sous le vocable d’entreprises commerciales. Mais il ne s’agit que d’une commodité de langage, sans valeur juridique. Le droit commercial ne régit pas les entreprises, mais seulement les personnes.

L’existence du droit commercial se révèle lorsque, face à une situation de fait identique (par exemple, l’établissement d’un bail ou la cessation des paiements d’un débiteur, etc.), un système juridique prévoit l’application alternative de deux règles, l’une relevant du droit commun, l’autre d’un droit exceptionnel, selon la nature de l’acte envisagé ou la qualité de son auteur.

En revanche, il est plus difficile d’en définir l’essence. Une querelle interminable, et en partie stérile, oppose ceux qui voient dans le droit commercial le droit des commerçants (conception subjective) et ceux qui en font le droit des opérations ou des actes de commerce (conception objective). Il est d’autant plus délicat de trancher que le Code de commerce (art. 1) définit le commerçant comme celui qui accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle. Compte tenu de l’incertitude de ces bases doctrinales, certains proposent de parler non plus de droit commercial, mais de droit des affaires, de droit de l’entreprise ou de droit des activités économiques. Cette nouvelle terminologie est encore mal fixée, alors que les mots «commerçant» et «commercial» ont, pour les juristes, une signification technique précise.

Historique

Ce sont des considérations historiques qui expliquent en bonne partie l’existence d’un droit commercial distinct du droit civil.

Les commerçants ont toujours été régis par un droit spécifique, car ils avaient recours au crédit beaucoup plus systématiquement que les simples particuliers. En effet, l’acte de commerce le plus habituel est l’achat pour revendre, ce qui implique presque toujours que le commerçant acheteur initial paye son vendeur non pas au comptant, mais avec les sommes qu’il a lui-même retirées des reventes à sa clientèle.

Les premières traces d’un droit commercial remontent à la très haute antiquité, avec notamment le Code d’Hammourabi (près de deux mille ans av. J.-C.). Toutefois, cet apport se limite au droit maritime et au droit bancaire. Il faut attendre la fin du Moyen Âge pour voir apparaître un droit commercial complet et autonome dans les villes d’Italie (Gênes, Pise, Florence, Venise), de Flandres (Bruges, Amsterdam, Gand, Anvers) et de Champagne (Provins, Troyes, Bar-sur-Aube). Notamment à l’occasion des foires, les communautés de marchands mettent sur pied à la fois des mécanismes simplifiés de paiement, par l’utilisation des lettres de change, et des procédures d’exécution à l’égard des défaillants (faillites).

Les Temps modernes voient la création des tribunaux de commerce par un édit de Michel de L’Hospital (1563). Ceux-ci appliquèrent un droit de plus en plus autonome, distinct du droit romain, du droit canonique et des coutumes d’origine germanique. À la fin du XVIIe siècle, Colbert et Savary codifièrent ce nouveau droit. Mais, si l’ordonnance sur la marine de 1681 est un texte d’une qualité technique remarquable, l’ordonnance sur le commerce de terre de 1673 se présente essentiellement comme un recueil de recettes pragmatiques.

À la fin de l’Ancien Régime, le droit commercial manque de logique et d’idées générales. Contrairement au droit civil, il n’a pas bénéficié des réflexions fondamentales de juristes qualifiés comme Domat ou Pothier. Ce caractère réglementaire est encore accentué par l’influence des corporations, hostiles à la liberté d’établissement et à l’abrogation d’une réglementation tatillonne, qui décourage les innovations.

La Révolution réalise un double progrès en proclamant le principe, toujours en vigueur, de la liberté du commerce et de l’industrie et en supprimant définitivement les corporations. Ce renouveau allait être sans lendemain, car Napoléon négligea la rédaction du Code de commerce qui, promulgué à la hâte en 1807, est d’une qualité très inférieure à celle de l’admirable Code civil de 1804. En effet, ses rédacteurs se sont bornés à reproduire l’ordonnance de 1673, sans se rendre compte que celle-ci reposait sur le système des corporations, qui avait été abrogé. Toujours en vigueur, le code de 1807 est à l’origine des contradictions et des inexactitudes qui ont grevé et qui minent encore le droit commercial, écartelé entre une application limitée aux seuls commerçants et un domaine qui s’étendrait aux actes de commerce, même accomplis par de simples particuliers.

Le libéralisme triomphant du XIXe siècle fut spécialement favorable à l’essor des moyens juridiques qui ont permis le développement du capitalisme moderne: sociétés par actions, chèques, droit de la banque et de la Bourse, ventes commerciales internes et internationales, reconnaissance du fonds de commerce, etc. C’est à cette époque que se mirent en place les principales techniques qui constituent encore aujourd’hui les bases du droit commercial.

À partir de 1914, celui-ci a subi les conséquences de l’interventionnisme de l’État. Il est devenu plus réglementaire et plus impératif. Il a fait une place plus large aux sanctions pénales et a dû admettre, tant bien que mal, à côté des commerçants privés, les activités commerciales des personnes morales de droit public, notamment des sociétés nationales et des sociétés d’économie mixte.

Le traité de Rome, en 1957, a ouvert une nouvelle étape. Le droit commercial a pris en compte le développement de la concurrence provoqué par la création d’un marché européen unique. Il s’est également engagé, mais de manière plus timide, dans la voie de la déréglementation. La période la plus récente est marquée par l’influence croissante, et en partie déraisonnable, des techniques financières et boursières sur le droit commercial. Les spécialistes de l’ingénierie financière inventent de nouveaux modes de financement, de nouveaux contrats, de nouveaux produits d’épargne sans se préoccuper de l’orthodoxie juridique de leurs constructions.

Droit comparé

La distinction du droit civil et du droit commercial n’est pas admise par toutes les législations. Bien évidemment, le droit commercial n’a pas de raison d’être dans les États qui écartent l’économie de marché. Toutefois, même des systèmes juridiques libéraux ont opté pour l’unification du droit privé. Le cas le plus typique est celui de la Grande-Bretagne, où la law merchant , qui avait pris naissance au Moyen Âge, a été absorbée à la fin du XVIIIe siècle par la common law . Depuis cette époque, il n’y a plus, dans cet État, de droit commercial autonome. Les contrats sont régis par des règles identiques, qu’ils soient conclus entre commerçants ou entre particuliers. Les juridictions commerciales ont également disparu, à l’exception de quelques chambres spécialisées à l’intérieur de la High Court. Toutefois, celles-ci sont non pas des juridictions autonomes, mais de simples divisions administratives, compétentes pour des litiges dont le jugement requiert des connaissances techniques, notamment en droit maritime.

Il n’y a pas non plus de droit commercial autonome dans les pays scandinaves, en Suisse depuis 1881, en Italie depuis 1942, aux Pays-Bas depuis 1976 et au Québec depuis 1992. En revanche, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique connaissent un régime dualiste, comparable à celui du droit français.

Il ne faudrait pas en conclure que l’évolution historique va inéluctablement dans le sens de l’unification. Si, comme en France, des rapprochements se sont opérés (cf. Régime des actes de commerce et obligations des commerçants ), à l’inverse, les États-Unis donnent l’exemple d’une législation unitaire, inspirée de la common law britannique, qui évolue vers la dualité avec la mise en vigueur d’un Code de commerce uniforme (Uniform Commercial Code) réglementant la plupart de activités économiques des entreprises, alors que les contrats entre particuliers demeurent régis par la législation de chaque État.

Ainsi, toutes les législations édictent des règles propres aux entreprises et aux opérations commerciales. Dans certains États, ces règles sont suffisamment nombreuses pour constituer un ensemble autonome, souvent appliqué par des juridictions spécialisées. Dans d’autres, au contraire, elles constituent de simples exceptions au droit civil commun.

Domaine du droit commercial

Puisqu’il est un droit d’exception, qui déroge au droit civil commun, le droit commercial devrait avoir un domaine d’application strictement délimité. Malheureusement, il n’en est rien. Les frontières qui séparent le droit civil du droit commercial ont été tracées en fonction de considérations d’opportunité beaucoup plus que de logique. Elles sont incertaines et mouvantes, de telle sorte qu’il est souvent difficile de savoir si une personne est ou non un commerçant, ou si une opération constitue ou non un acte de commerce.

Le Code de commerce s’inspire principalement d’une conception objective. Le droit commercial s’applique à certaines opérations, dites actes de commerce. Ces opérations présentent trois caractéristiques.

Ce sont, en premier lieu, des actes d’entremise, qui interviennent à l’occasion de la circulation de marchandises entre producteur et consommateur. Chez le producteur, le bien n’est pas encore dans le commerce; ainsi l’agriculteur qui vend sa récolte n’est-il pas un commerçant, car il vend ce qu’il a produit. Il en va de même à l’autre extrémité de la chaîne; la ménagère qui achète un produit pour la consommation de sa famille ne fait pas non plus un acte de commerce. Mais, entre ces deux extrêmes, le bien a circulé par plusieurs intermédiaires, qui l’ont acheté pour le revendre et ont donc fait des actes de commerce. Ce critère ne s’applique cependant pas dans tous les cas. Ainsi les exploitations minières et pétrolières sont-elles des activités de pure production qui, comme l’agriculture, devraient relever du droit civil; elles sont pourtant réputées commerciales, en raison de leur importance économique, depuis une loi du 9 septembre 1919. Ce critère est en outre discutable. Au sens strict, l’industrie, qui relève du droit commercial, est plus et autre chose qu’une activité d’intermédiaire. On aurait d’elle une conception singulièrement réductrice en disant que l’industriel fait un achat pour revendre, donc un acte de commerce, parce qu’il achète des matières premières et revend un produit fini.

L’acte de commerce se traduit, en deuxième lieu, par la recherche d’un bénéfice. Le monde des marchands est celui du profit. Certes, le commerçant n’est pas uniquement celui qui spécule sur la différence des cours entre l’achat et la revente. Il rend aussi un service en mettant les produits et les marchandises à la disposition de ses clients. Mais il agit toujours dans un but lucratif, même lorsque en apparence il ne demande pas de contrepartie. Le mécénat d’entreprise, le «sponsoring», la distribution de cadeaux publicitaires constituent des actes de commerce, malgré leur gratuité, car ils ont pour objectif d’accroître ou de fidéliser la clientèle du commerçant.

En troisième lieu, les actes de commerce portent sur des meubles, au sens juridique du terme, c’est-à-dire des denrées, des marchandises ou des instruments financiers. Au contraire, les immeubles et les activités portant sur les immeubles (construction, travaux publics) restent, en principe, en dehors du droit commercial. De même, les activités de service sont civiles si elles ont un caractère intellectuel et commerciales si elles reposent sur un support matériel. Pour cette raison, les professions libérales (médecins, avocats, experts-comptables...) ne relèvent pas du droit commercial. Au contraire, les prestations de service deviennent commerciales lorsqu’elles mettent en œuvre des fournitures matérielles, comme le transport, l’hôtellerie, etc.

L’application de ces critères, qui n’était déjà pas simple, a été infléchie par des législations spéciales. Tantôt, le domaine du droit commercial a été restreint. Ainsi, pour des raisons historico-sociologiques, les artisans sont assimilés aux simples particuliers. Pourtant, leurs activités ne se distinguent guère de celles des commerçants. Les bouchers et les boulangers achètent des marchandises pour les revendre après les avoir travaillées et mises en œuvre. Les chauffeurs de taxi exploitent une entreprise de transport. Le motif qui justifie leur exclusion du droit commercial est la dimension modeste de leur entreprise. Toutefois, le statut des artisans s’est rapproché de celui des commerçants. Notamment, depuis la loi du 25 janvier 1985, les uns et les autres font l’objet d’une procédure de redressement judiciaire (faillite) devant le tribunal de commerce en cas de cessation des paiements. Tantôt, et le cas est plus fréquent, le domaine du droit commercial a été étendu. Ainsi, il existe des actes de commerce en raison de leur seule forme, notamment la lettre de change, et des personnes morales réputées commerciales également en raison de leur seule forme (sociétés en nom collectif, S. à R.L. et sociétés par actions). Enfin, les actes civils par nature accomplis par un commerçant pour les besoins de son commerce sont considérés comme des actes de commerce par application de la théorie de l’accessoire.

Régime des actes de commerce et obligations des commerçants

Les opérations commerciales sont généralement plus répétitives que les contrats civils, elles se concluent plus rapidement et le recours au crédit y est plus fréquent que le paiement comptant. Ces opérations sont donc soumises à des règles originales, qui constituent le droit commercial au sens strict.

Ainsi, entre commerçants, la preuve des actes de commerce est libre, quel que soit le montant en cause (Code de commerce, art. 109). Elle peut se faire par tout moyen, y compris les témoignages et les présomptions. Au contraire, en droit civil, la preuve doit se faire par écrit dès que l’objet de la convention est supérieur à 5 000 francs (Code civil, art. 1341). Cette règle traditionnelle se fonde sur la rapidité de la conclusion de beaucoup d’opérations commerciales, qui rend impossible la rédaction d’un écrit sous seing privé. De même, une règle coutumière veut que la solidarité se présume entre commerçants qui concluent une même obligation. Au contraire, en droit civil, le principe est que les obligations sont conjointes, ce qui contraint le créancier à fractionner ses recours contre les débiteurs et lui fait supporter le risque d’insolvabilité de chacun d’entre eux. La solidarité est plus avantageuse pour le créancier, qui peut demander l’exécution de la totalité de l’obligation à un seul des débiteurs, choisi en raison de sa solvabilité. Enfin, la rapidité des opérations commerciales explique que le délai de prescription extinctive ne soit pas, en principe, de trente ans, comme en droit civil, mais seulement de dix ans (Code de commerce, art. 189 bis ). Ce délai s’applique aussi aux obligations nées entre un commerçant et un non-commerçant, évitant ainsi aux commerçants, et notamment aux banques, de conserver leurs archives pendant trente ans.

Ces règles de fond sont complétées par un régime original de règlement des différends commerciaux. En première instance, les litiges entre commerçants sont jugés par les tribunaux de commerce, ou tribunaux consulaires, composés de commerçants élus par leurs pairs. Mais ce particularisme disparaît en cas d’appel, puisque l’affaire est portée devant la cour d’appel dans les mêmes conditions que si le jugement avait été rendu par un tribunal d’instance ou de grande instance. La juridiction consulaire présente l’avantage d’être généralement plus rapide et moins onéreuse que les juridictions civiles. En outre, les magistrats consulaires connaissent les usages et les coutumes, dont le non-respect est, plus souvent que la violation de la loi, à l’origine de beaucoup de différends commerciaux.

Enfin, les commerçants ont recours à l’arbitrage plus souvent que les particuliers. Notamment, ils peuvent insérer dans leurs contrats une clause compromissoire qui prévoit que, en cas de difficulté d’exécution, le litige sera tranché non par une juridiction d’État, mais par des arbitres désignés par les parties. Au contraire, les non-commerçants ne peuvent recourir à l’arbitrage qu’une fois le litige né et à condition que la matière ne relève pas de l’ordre public. La sentence rendue par les arbitres s’impose aux parties. Par conséquent, si le perdant ne s’exécute pas, le gagnant demandera l’exequatur de la sentence devant une juridiction d’État, selon une procédure simple et rapide, et pourra passer à l’exécution forcée. L’arbitrage est très utilisé dans les relations commerciales, surtout lorsque celles-ci ont un caractère international. Son principal avantage est sa discrétion, car la procédure n’est pas publique et la sentence n’est pas publiée. Son principal inconvénient est son coût, car les arbitres sont rémunérés par les parties.

D’autres règles propres aux relations commerciales ont été abrogées à une période récente. Ainsi le taux d’intérêt légal est-il désormais le même en matière civile et en matière commerciale. De même, la mise en demeure du débiteur qui n’a pas exécuté son obligation s’opère selon des formes qui sont pratiquement les mêmes dans les relations civiles et dans les relations commerciales.

En outre, d’autres différences se sont fortement estompées. Le cas le plus net est celui des procédures collectives, autrefois appelées faillites, applicables en cas de cessation des paiements. Traditionnellement, la faillite ne concernait que les commerçants personnes physiques et les sociétés commerciales. Mais elle a été étendue, en 1967, aux personnes morales de droit privé non commerçantes, essentiellement les sociétés civiles et les associations, en 1985, aux artisans et, en 1988, aux agriculteurs. Seuls, par conséquent, parmi les personnes exerçant une activité économique indépendante, les membres des professions libérales échappent encore aux procédures collectives. Ce n’est d’ailleurs pas un avantage, car ces procédures, si elles entraînent certaines contraintes à l’égard du débiteur, facilitent aussi le redressement de l’entreprise et accélèrent l’extinction du passif impayé.

Le rapprochement entre les commerçants et les non-commerçants se manifeste aussi dans d’autres domaines, car, de plus en plus souvent, les mêmes règles s’appliquent à tous ceux qui exercent, à titre professionnel, une activité économique, sans distinguer si celle-ci est commerciale, artisanale ou libérale : généralisation de la T.V.A., utilisation du crédit-bail immobilier, cession simplifiée des créances professionnelles, etc. En effet, le recours systématique au crédit, qui était historiquement à l’origine du droit commercial, est aujourd’hui une pratique commune à toutes les activités économiques.

Les personnes en droit commercial

Le principe de la liberté du commerce, qui a valeur constitutionnelle, implique que toute personne puisse s’établir dans une activité commerciale ou industrielle sans avoir besoin d’une autorisation administrative. Seuls les étrangers non ressortissants communautaires doivent être titulaires d’une carte spéciale, délivrée par le préfet. De même, quelques activités spécialement réglementées en raison de leur nature spécifique ne peuvent être exercées que par des personnes munies d’une autorisation administrative. Ces cas sont de moins en moins nombreux avec le recul du dirigisme. Le plus contestable est l’autorisation administrative de construction des magasins à grande surface, prévue par la loi Royer du 27 décembre 1973.

S’agissant de personnes physiques, les conditions requises pour devenir commerçant sont peu nombreuses. Positivement, l’intéressé doit être capable, c’est-à-dire être âgé de plus de dix-huit ans. Négativement, il ne doit pas tomber sous le coup d’une incompatibilité, en raison de l’exercice d’une autre profession (fonction publique, profession libérale) ou d’une interdiction résultant d’une condamnation pénale. L’intéressé doit se faire immatriculer au registre du commerce dans le mois de son établissement. Cette formalité permet aux tiers d’obtenir aisément des informations à jour sur les principales composantes juridiques et financières de l’entreprise. Celui qui néglige cette procédure devient tout de même commerçant. Mais, à titre de sanction, il ne peut pas se prévaloir de cette qualité à l’égard des tiers de bonne foi, qui peuvent la lui opposer. L’intéressé est donc perdant sur les deux tableaux, ce qui constitue une forte incitation à l’immatriculation.

Mais les commerçants sont aussi et surtout des sociétés. Les unes sont commerciales en raison de leur activité, les autres en raison de leur seule forme (cf. Domaine du droit commercial ). C’est là une facilité qui évite le plus souvent aux tiers, qui se trouvent en rapport avec une société donnée, de se demander si elle est commerciale ou civile. Pratiquement, toutes les activités d’envergure sont menées par des sociétés commerciales, car celles-ci peuvent, notamment en faisant publiquement appel à l’épargne, réunir des capitaux plus importants qu’une simple personne physique, aussi riche soit-elle.

Toutefois, en raison du principe d’égalité, le statut des commerçants est, pour l’essentiel, le même, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de sociétés, de modestes boutiquiers ou d’entreprises multinationales. Cette situation n’est guère rationnelle, surtout si l’on sait que l’artisan bénéficie d’un statut spécial en raison de la faible dimension de son entreprise. Les exemples italien et allemand montrent qu’il serait possible de distinguer les petites entreprises, artisanales ou commerciales, soumises à un statut voisin de celui des simples particuliers, et les grosses entreprises industrielles ou commerciales, qui auraient des obligations plus strictes, mais aussi des possibilités d’action plus complètes.

Les biens en droit commercial

Le droit commercial ne se préoccupe guère des immeubles, parce que ceux-ci, en raison de leur nature même, ne font l’objet que de transactions peu fréquentes. Tout au plus l’achat de terrains en vue de les revendre en l’état, c’est-à-dire sans y avoir construit, est-il un acte de commerce depuis une loi du 9 juillet 1970.

Le domaine d’élection du droit commercial est celui des meubles. Les meubles corporels, c’est-à-dire les denrées, matériels et marchandises, n’appellent que peu de remarques, bien que leur achat suivi d’une revente, leur location, leur entretien ou leur transformation constituent l’essentiel des activités commerciales. On rencontre de plus en plus souvent, en droit commercial, des biens incorporels, qui n’ont pas d’existence physique mais qui ont pourtant une valeur patrimoniale et peuvent faire l’objet de contrats, comme les biens corporels.

Le principal d’entre eux est le fonds de commerce. Il s’agit d’une universalité de fait regroupant, en un ensemble unique, les différents éléments utilisés par le commerçant pour retenir et exploiter sa clientèle: droit au bail, enseigne, nom commercial, brevets d’invention, marques, etc. Mais le fonds de commerce ne constitue pas une personne morale. Par conséquent, le titulaire du fonds est tenu de payer le passif sur l’ensemble de son patrimoine, y compris les biens affectés à son usage personnel ou familial. L’importance de ce risque explique que beaucoup de personnes choisissent de faire le commerce par l’intermédiaire d’une S. à R.L. ou d’une société anonyme, car elles ne sont alors responsables du passif que dans la limite de leurs apports. Comme tout bien, le fonds de commerce peut être vendu, donné en location-gérance ou faire l’objet d’un nantissement au profit des créanciers. L’opération a un caractère global, c’est-à-dire qu’elle porte sur l’ensemble des éléments du fonds, bien que ceux-ci soient distincts.

Les valeurs mobilières constituent une autre catégorie de biens incorporels qui jouent un rôle important dans le monde des affaires. Ce sont des titres négociables, c’est-à-dire transmissibles selon un mécanisme simple et efficace, qui représentent soit un titre d’associé (actions), soit un titre de créance (obligations), soit un titre mixte ou composé qui combine les caractères des deux précédents, par exemple une obligation avec bon de souscription d’action ou une obligation remboursable en actions. On peut rapprocher des valeurs mobilières les parts sociales, non négociables, émises par les sociétés autres que les sociétés par actions.

Les valeurs mobilières et le fonds de commerce constituent souvent l’essentiel des patrimoines, qui tendent à se dématérialiser dans une civilisation industrielle ou postindustrielle, alors que, dans les civilisations agricoles, les terres étaient la principale source de richesse et de pouvoir.

Les sources du droit commercial

Les sources du droit commercial sont les mêmes que celles du droit civil, c’est-à-dire essentiellement la loi, au sens large, et la jurisprudence. Des différences sont toutefois perceptibles.

Ainsi la loi, bien qu’étant la source principale, joue un rôle plus effacé en droit commercial qu’en droit civil. Surtout, elle figure rarement dans le Code de commerce. Celui-ci se présente comme une carcasse vide, car des pans entiers ont été abrogés et remplacés par des lois qui sont demeurées en dehors du code. Tel est le cas des sociétés, des procédures collectives, des transports maritimes, etc. Cette «décodification» ne présente d’ailleurs pas d’inconvénient. En revanche, d’autres sources sont plus développées en droit commercial qu’en droit civil. Historiquement, il s’agissait des usages et des coutumes, mais ceux-ci tendent à perdre de leur importance, sauf pour des questions secondaires, avec le développement des textes réglementaires. Néanmoins, dans les relations du commerce international, les usages continuent de jouer un rôle certain. On assiste même à une renaissance de la lex mercatoria , ou «droit des marchands», qui permet aux opérateurs de soumettre leurs contrats à un droit autant que possible dégagé des contraintes que les législations font peser sur les relations commerciales internes. Cette lex mercatoria présente l’avantage de la souplesse, mais son contenu manque de précision. Elle s’apparente plus à l’équité qu’au véritable droit.

Les sources internationales d’origine étatique prennent également une importance grandissante avec le renouveau du libre-échange. Ce sont principalement les traités internationaux, dont certains établissent un régime uniforme pour les contrats les plus usuels, et les textes communautaires. Notamment, l’instauration du marché unique européen s’est traduite par la promulgation de très nombreux règlements ou directives applicables au même titre que la législation interne. Ainsi, le droit de la concurrence et une bonne partie du droit des sociétés ont une origine communautaire

De même, de nombreux organismes administratifs édictent des directives ou émettent des avis ou des recommandations dont le respect s’impose aux opérateurs, même si leur autorité juridique est théoriquement moins contraignante que celle d’un règlement. Les Américains parlent à leur propos de soft law . Le phénomène se manifeste particulièrement en droit financier et boursier, où les sociétés qui font publiquement appel à l’épargne doivent appliquer les indications données par la Commission des opérations de Bourse et par le Conseil des Bourses de valeurs. Le droit de la concurrence quant à lui, bien que trouvant sa source dans la loi, est constitué pour l’essentiel par les décisions du Conseil de la concurrence.

Cette pluralité de sources constitue l’une des difficultés actuelles du droit commercial. Face à une situation de fait donnée, le commerçant, et même parfois le juriste qui le conseille, peut avoir peine à déterminer avec certitude la règle de droit qui sera applicable. Il arrive, en effet, que telle opération, valable au regard du droit commercial classique, soit remise en cause par le droit de la concurrence ou le droit communautaire. Il faut, en outre, tenir compte des incidences fiscales de l’opération, ce qui accroît l’aléa de beaucoup de décisions de gestion.

Y a-t-il une philosophie du droit commercial?

Droit des négociants, des banquiers et des hommes d’affaires, droit des marchandises qui s’achètent et qui se vendent, droit de l’argent qui circule et fructifie, le droit commercial ne paraît guère animé de préoccupations philosophiques. Comment le pourrait-il, d’ailleurs, puisque son existence précède son essence? Il ne cherche qu’à établir un minimum d’ordre, d’honnêteté et de sécurité dans les relations économiques. C’est un droit concret, orienté vers la satisfaction des besoins matériels. Il laisse à d’autres disciplines des finalités plus nobles. Mais, s’il faisait défaut, ou s’il était trop imparfait, la justice, la liberté et la sécurité ne seraient probablement que des concepts vides de sens. Le renouveau des préoccupations éthiques, qui se manifeste depuis quelques années, devrait donner au droit commercial une importance nouvelle, car ce dernier constitue le seul contre-pouvoir opposé à l’insolence de l’argent corrupteur et immoral.

L’avenir du droit commercial

L’avenir du droit commercial doit s’apprécier sous l’angle de deux questions.

La première est celle du maintien des juridictions consulaires. Leur suppression avait été envisagée au début des années quatre-vingt, ou au moins leur remplacement par un mécanisme d’échevinage qui aurait fait siéger, dans ces tribunaux, à la fois des magistrats professionnels et des magistrats élus par les commerçants. Le projet a soulevé une vive opposition de la part des milieux professionnels et a été abandonné.

La seconde question est celle de l’existence de règles de fond applicables aux seuls commerçants. Ce particularisme est de moins en moins justifié. Les agriculteurs, les artisans, les membres des professions libérales exercent leurs activités de nature civile dans des conditions peu différentes de celles du commerce. Tous sont soumis à la loi du marché, c’est-à-dire à la concurrence dans l’exploitation d’une clientèle. Tous ont recours au crédit, emploient du personnel salarié, tiennent une comptabilité à des fins fiscales, etc. Tous ont, de plus en plus, les mêmes droits et les mêmes obligations.

La distinction du commerçant et du non-commerçant tend, par conséquent, à être supplantée par celle du professionnel et du consommateur. Dès lors, tôt ou tard, le droit commercial, vestige du passé, sera remplacé par un droit des affaires ou un droit des activités économiques, dont le domaine sera plus vaste, mais dont l’esprit ne sera pas sensiblement différent.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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